Djazia Satour
La Terrasse
lundi 10 juillet 2017
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De toutes les couleurs (Alwane) qui donnent son titre au nouvel album de Djazia Satour, aucune ne dépare une palette où se combinent les influences musicales arabes et noires américaines. L’inspiration, libre, déborde tous les cadres, se joue des genres. Rien ne l’illustre mieux que ce chant à la beauté saisissante, qui alterne l’arabe et l’anglais.

La voix de Djazia Satour transcende les registres. Elle est la matrice enchantée de cette fusion unique, jamais démentie depuis la première exploration des années Mig, le groupe trip-hop électro qui l’a fait connaître.

Entre-temps, avec la complicité de Fafa Daïan et d’une poignée de musiciens talentueux, Djazia s’est offert un intermède acoustique fait d’arrangements dédiés entièrement à la scène et couronné par l’enregistrement d’un 6 titres, Klami, qu’elle a autoproduit en 2010, en déployant une prodigieuse énergie. Affranchie du lissage des machines, elle a pu rayonner et porter des choix musicaux plus personnels et intuitifs que jamais.

Avec Alwane, c’est toujours dans le secret des envies et des états d’âme de la chanteuse que s’est accomplie la prime recherche de la mélodie, écrin où ses paroliers de toujours sont venus sertir ses thèmes de prédilection : une angoisse du temps qui passe, un rêve de liberté, un fantasme d’errance ou un amour hors du temps…

Julien Chirol et Pierre-Luc Jamain, musiciens-réalisateurs, rencontrés grâce à Marc Mottin, manager d’Oxmo Puccino qui avait offert à la chanteuse une première partie à l’Olympia, lui ont concocté des instrumentaux puissants, précis, ambitieux, des samples soignés de vinyles ou de bruits capturés. Un florilège d’inventions qui ajustent leur fantaisie sophistiquée aux compositions nouvelles, transmutent quelques titres revisités de son ancien répertoire, subliment une reprise de Skip James.

L’occasion pour Djazia de retrouvailles apaisées avec ce qu’elle se plaît à appeler le « bricolage sonore » de ses débuts. Le trip hop de Fossoul et les ballades arabes de Aynin Lil et Ma Ydoumou s’imprègnent d’une mélancolie douce et lumineuse. Les variations blues de Bittersweet et le souffle impétueux de Unknown sont portés par le jeu aérien des violons. Le rap entêtant de Nomad’s Land se débride dans un ragga explosif…

Pendant deux ans, dans les studios de Music Unit à Montreuil, la chanteuse a donné libre cours, avec un bonheur égal, à toutes les influences qui lui sont chères.

Un ensemble de cordes, des instruments à vents, quelques musiciens de Klami et des Jazzbastards, ont été, parmi d’autres, conviés à la fête.

C’est dans ce foisonnement que l’album atteint sa plénitude d’où jaillit l’émotion brute initiale, comme miraculeusement préservée, et transmise dans toute la fraîcheur de son intention.