Billetterie
Alex Beaupain
Le Foyer - à partir de 20h30
samedi 9 juillet 2016
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Avec cette légèreté apparente, teintée d’humour voire d’ironie, qui est l’élégance du chagrin, Alex Beaupain sait faire chanter les larmes et les regrets mieux que personne. Il avance, riche de ses albums passés, sur un chemin qui semble tout tracé et qui, pourtant, réserve bien des surprises et des escapades. Ce cinquième album solo, intitulé tout simplement «Loin», en est le signe éclatant. On y retrouve cette mélodie de la mélancolie chère à ces jeunes gens, grandis trop vite, dépassant les limites, méprisant le danger, entamés plus qu’à moitié, si jeunes et déjà vieux. Mais les airs y sont souvent plus rythmés qu’à l’accoutumée, comme pour mieux souligner qu’il leur reste de beaux restes et qu’il n’y a pas meilleur remède aux bleus à l’âme et aux coups reçus que d’en faire des chansons. Cet album est né au milieu d’une période très fertile : Alex Beaupain travaillait alors à la fois à l’album-concept Les Gens dans l’enveloppe, d’après ce livre fort et singulier de son amie de toujours, Isabelle Monnin (sorti en septembre 2015), et à la composition de la bande originale du prochain film de Christophe Honoré, son alter ego de cinéma de toujours, Les Malheurs de Sophie, d’après la Comtesse de Ségur (attendu pour le printemps 2016). Sans doute est-ce justement parce qu’il se coulait dans les pas des autres qu’il a ressenti le besoin de laisser en même temps ses propres empreintes. Mais, sans doute est-ce pour cela aussi, qu’il a préféré demander à ses proches, amis et collaborateurs fidèles (Julien Clerc, Vincent Delerm, La Grande Sophie, Valentine Duteil, Victor Paimblanc, Alexandre Varlet) de lui proposer des musiques – il n’en a signé que deux lui-même – pour pouvoir ensuite en écrire les paroles. Sauf pour une chanson, Rue Battant, écrite par Vincent Delerm qui s’est inspiré de ce qu’il sait, de ce qu’il sent d’Alex Beaupain, pour évoquer Besançon et son enfance. De la même manière, il a confié à d’autres (Le duo Omoh, Martin Gamet et Antoine Gaillet) l’arrangement de la moitié des titres, se chargeant lui-même du reste. Toujours afin de coller au mieux à ses mots à lui. Des mots ciselés avec une fluidité et une simplicité, une élégance et une finesse qui, assurément, n’appartiennent qu’à lui. Des mots qui le racontent – et donc des mots qui nous racontent. C’est là sa force en effet, de nous donner le sentiment qu’il parle de nous alors qu’il parle de lui. On ne peut pourtant pas trouver plus intime comme point de départ de cet album : la mort de son père, «l’ultime barricade», «la dernière sentinelle», en juillet dernier. Les voilà lui rend hommage ainsi qu’à sa mère, disparue elle aussi. « Et tout soudain se fige au coeur de la maison.» C’est la première chanson qu’il a écrite (sur une musique de Victor Paimblanc) et c’est elle qui donne le ton à cet album empli de nostalgie. Comme lorsqu’il s’adresse, sur une musique de Julien Clerc, à son grand amour disparu, «Je te supplie/ De m’adresser d’après la vie/Un signe que je te manque aussi…» Mais, même s’il semble avoir pris pour inspiration cette phrase – «Les regrets aussi nous ont fait escorte» – de la chanson Mon Cher des Gens dans l’enveloppe (dont il a repris aussi la chanson Couper les virages), et même si, évoquant Van Gogh que cite Maurice Pialat (dont il nous donne à entendre la voix douce et tendre dans A nos Amours), il affirme que «La tristesse durera toujours», il ne faut pas croire qu’il s’agit d’un album triste. «La tristesse, dit-il d’ailleurs, a passé son tour». En fait, l’esprit de cet album semble être tout entier dans ces mots qu’il fait dire, de cette voix si romanesque, à Fanny Ardant (qu’il a déjà fait chanter au théâtre) : « S’il fallait vraiment une raison / De chanter encore une chanson/ Ce serait conserver l’exacte/Lumière de nos sourires intacte…» Nous voilà donc loin de nos parents, de nos désirs, de nos beaux films qui ont filé comme des trains dans la nuit (bonjour Truffaut !), des peaux fruitées, des corps plongeant dans l’eau verte. Si loin, et en même temps, par la grâce de ces chansons, de l’émotion qu’elles procurent et des frémissements qui les traversent, si proches.

Distribution
Alex BeaupainChant, piano
Valentine DuteilVioloncelle, clavier
Jean TheveninBatterie
Victor PaimblancGuitare
Jean-Baptiste JulienBasse, clavier